Il prend son élan et vivement monte sur la table. Depuis qu’il l’a vu faire, il en rêvait. Autour de lui, les villageois discutent et nul ne lui prête attention. Il saisit la hachette d’Aurelia et violemment la lance sur la porte de bois. Elle se plante dans un bruit retentissant.
Brutalement, un silence immense s’installe, les mains se portent à la garde des épées et les yeux se braquent sur lui.
Il se redresse, les observe, les jauge. Doucement d’abord puis avec de plus en plus de force, il se lance :
Je ne peux m’empêcher de vous regarder et de penser que vous avez bien changé. Je vous croise dans les tavernes, je vous observe avec vos verres à la main, papotant comme des citadins et je me demande :
Où sont les découvreurs, où sont les explorateurs ?
Me vient alors une question : Avez-vous oublié le frisson de la découverte du labyrinthe, longtemps avant l’arrivée des soit-disant premiers explorateurs ? Et de notre arrivée sur les nouveaux continent, vierges de toute visite, vous reste-t-il des frissons ? Avez-vous oublié que Keirhenn fut la première à ouvrir et visiter ces lieux ? Avez-vous oublié qui vous êtes ? Pourquoi vous avez fondé cette belle cité qui fait pâlir de rage et d’envie les petits teigneux ?
Il n'y a pas si longtemps de cela, nous étions là, installé autour de cette table et nous avons rêvé Keirhenn. Elle est nait de notre envie de fonder quelque chose. De notre envie que l'amitié sincère qui nous lie soit criée et connue de tous. Notre imagination avait vagabondé et nous l'avions bati en une soirée : des dalles au sol si serrées que chaque visiteur comprendrait les liens étroits qui nous unissent. Des fenètres larges faisant face au soleil car nous savons que nous n'avons pas peur de la vérité. Nous avions creusé son sous-sol pour y installer nos archives, notre savoir, notre nexus et élevé nos murs hauts car nous nous étions dit que rien ne devait nous arreter. Nous avions soif de connaitre, soif de découvrir, soif d'entreprendre... en une nuit, tous ensemble, nous avons établi les plans de notre cité.
Nous savions alors que seuls la connaissance et le savoir sortiraient Thaanis de son obscurantisme. De l'obscurantisme nait la violence et la bétise.
Alors ce soir, je vous regarde et je me demande si vous pouvez encore poser vos verres et partir pour une noble cause. Une cause qui ne sert pas Keirhenn mais une cause plus large, plus vaste, plus altruiste...
Vous êtes des explorateurs, des scientifiques, des cartographes, des éclaireurs ... allez-vous réveiller ces trésors qui sommeillent en vous ? Keirhenn, réveille toi ! ressaisit toi !
Cessons de nous poser la question de notre devenir quand il est tout tracé.
Son regard s’allume dans le feu de son discours, il brandit une feuille de papier rédigée :
On nous demande, on a besoin de nous. Thaanis perd sa pureté, son authenticté. Thaanis se salit et d'ici peu, nos enfants ne connaitrons plus le bonheur d'une région pure et sauvage. Nous ne pouvons rester sourd à cette demande.
Oublions le monde et redevenons ce que nous aurions toujours du rester. Soyons ce que nous sommes et voulons devenir ! Il est temps pour nous de faire rayonner le nom de la Grande Keirhenn. Sortez vos plans, vos manuels de cartographie, prenez vos armes et vos livres. Nous partons terminer ce que nous avons laissé en suspend. Quittez l’auberge, je vous donne rendez-vous à Nurmissur ce soir ! Vous avez un vol en Brölmik dans 2 heures, le temps de faire vos bagages !! Il reste en ce monde des terres inexplorées et il y a longtemps qu’elles nous narguent. La science nous appelle et nous le lui ferons pas défaut !
Il est essoufflé et attend avec un brin d'anxiété leur réaction... vont-ils suivre ? ... Finalement, il décide de prendre le premier vol. Si des villageois le suivent, il les retrouvera directement à la sortie de Nurmissur
A nous deux Juvan